Dave et Kenneth sont frères. Délinquants désoeuvrés et toxicomanes d’Anvers, ils vivent de petits larcins dans lesquels ils entraînent Sylvie, la petite amie de Kenneth. Peu doués et entraînés au vol, leur dernier casse est un fiasco. Dave et Sylvie parviennent à s’enfuir mais Kenneth est incarcéré pour quatre ans, dans une cellule où il cohabitera avec l’inquiétant Stef.
A sa sortie, Kenneth se révèle toujours aussi borderline (voire psychopathe) et n’a plus qu’une obsession : récupérer sa vie, en particulier l’amour de Sylvie. Sauf qu’entre temps, Dave et Sylvie se sont sortis de la came, ont trouvé un emploi, et pire, entretiennent une relation amoureuse avec une véritable volonté de s’en sortir. Dans un environnement où le ciel est aussi sombre que l’horizon et les champs du possible, les deux amants font pourtant le choix de ne rien révéler de ce qui les lie à Kenneth, dont la réaction pourrait être à disproportionnée, mais aussi à la hauteur de ce qu’il pourrait vivre comme une trahison. Paranoïaque et toxique, Kenneth va semer la discorde au travail de son frère et chez les narcotiques anonymes, où Sylvie tente peu à peu d’étayer un discours au sujet de sa consommation passée. N’ayant plus aucun contrôle sur ce qui le dévore, Kenneth va commettre l’irréparable lors d’un quiproquo dans une discothèque anversoise. D’une bienveillance inébranlable et incapable de dire non à son frère, Dave va l’accompagner dans les Ardennes pour enterrer « son crime ». Les Ardennes, un endroit où ils vont avoir besoin de Stef, l’ancien compagnon de cellule de Kenneth…
D’ardennen a les avantages et les inconvénients d’un premier film. Un premier film, qui peine à mon sens à se détacher de la figure emblématique et tutélaire de Bullhead (Rundskop). Les producteurs sont d’ailleurs les mêmes. Robin Pront a pourtant un réel talent de mise en scène, avec des choix de plans serrés et de narration sèche. Mais sa volonté d’esthétiser sa culture du symbolique apparaît comme un brin trop démonstrative.
Si la veste « rouge sang » de Kenneth, dressée comme seul point de couleur dans un océan de sombritude, est à ranger dans le rang d’une sobriété subtile, des slow motions dispensables et convenus (dans la piscine en introduction, dans la forêt ardennaise lors de la « chasse ») n’apportent absolument rien à une réalisation qui arborait déjà fièrement ses muscles. De plus, si l’issue du film ne pouvait que laisser soupçonner le pire du pire, les vingt dernières minutes laissent à penser que le réalisateur ne savait pas trop comment conclure son odyssée mortifère dans un manichéisme absolu, et ce même si un suspense définitivement haletant est parfaitement maintenu malgré l’improbable délire autour des autruches échappées du zoo.
Le réalisateur peut fort heureusement s’appuyer sur des acteurs particulièrement brillants, pour certains déjà aperçus dans des films salués (Borgman, Alabama Monroe…), avec une mention spéciale pour le jusqu’alors inconnu Kevin Janssens (Kenneth), troublant de justesse et de sobriété dans sa manière d’incarner la psychose et l’explosion latente.
Les seconds rôles sont encore plus savoureux. La mère de la fratrie, le patron du garage, Stef bien sûr, mais aussi et surtout Joyce, le violent travesti qui semble partager la sombre existence de Stef. Tous ces personnages sont extrêmement bien pensés et dirigés, et témoignent d’un humour jubilatoire, particulièrement noir et teinté d’absurde.
D’Ardennen est un film noir et costaud, imparfait, mais doté d’une honnête radicalité et d’un regard touchant sur les êtres errants et les âmes en peine. Il n’est bien sûr pas à considérer comme un film léger du dimanche soir. Si l’espoir n’est définitivement pas la thématique de son premier film, Robin Pront y dresse en tous cas de très belles promesses.