Autant le dire tout de suite, Grear Many Arrows est l’album que j’attendais avec la plus grande ferveur cette année. Malgré les excès et postures horripilantes de sa géniale moitié (à savoir Loke Rahbek), Damien Dubrovnik est pour moi la formation électronique la plus excitante de ces dernières années. Bien qu’ils se prétendent apolitiques, Loke Rahbek et Christian Stadsgaard ont poussé leur projet dans une radicalité punk, l’élevant jusqu’à l’art total et renvoyant la majeur partie des crêteux de la scène à leurs flatulences. En ceci, sampler Bauhaus sur Fingers Into Majorelle était déjà une forme de plaidoyer, ainsi qu’une profession de foi. Great Many Arrows est sorti à la fin du mois dernier, chez Posh Isolation.
Le duo sait se ré-inventer à chaque disque, s’émanciper de ce qu’on pourrait attendre d’eux. Tout en maintenant une force dadaïste pour jumeler les divers éléments de ce qu’ils représentent à chaque fois malgré tout de leur programme commun.
Le paganisme, le fétichisme, la physicalité, le surréalisme, la sexualité. Noise, indus, black-metal, expérimentations modulaires… tout ceci au service d’une musique hybride qui s’inscrit aussi bien sur disque qu’en live dans les contraintes du concept, mais surtout de la performance.
Great Many Arrows n’échappe pas à ces « règles », mais pousse la dimension théâtrale jusqu’à un seuil presque malaisant. Prétentieux et arrogant diront même certains. D’éparses injections baroques et des tableaux parfois proches du burlesque témoignent de cette étrange dimension cérémonielle, qu’on ne rencontrait jusqu’ici que lors de leurs prestations lives souvent décriées.
L’arrogance et la prétention méritent d’être pardonnées quand les skills sont là. J’ai pour ma part encore plus tendance à accorder mon pardon facilement à un petit con poseur et trop sûr de sa grande culture, quand il cite André Breton ou Friedrich Engels dans les rares interviews qu’il donne. A l’instar d’un Varg, qui est un de ses très bons potes, Loke Rahbek devient un de ces artistes qu’on aimerait détester mais dont le génie l’éloigne à chaque fois des disgrâces de la filsdeputerie éternelle.
Le problème est que malgré tous ces incontestables constats, Great Many Arrows est un grand disque. Fiévreux, inspiré, terrassant, comme toute créature sachant cumuler la colère à la beauté. Une volée de flèches pour maintenir ouvertes les orphelines plaies.
Bien que les déclamations enflammées du Loke n’aient jamais été aussi comparablement puissantes que lors de Songs for Loviatar et Europa Dagbog – Europa Diary, Great Many Arrows est peut-être l’album le moins maculé par de la grosse fréquence démonstrative, le plus ambient du duo et le plus porté sur les synthés. En la matière, les deux larrons ont fait des progrès considérables. En ceci Arrow 5 est juste beau à s’en damner, même très au dessus des plus qualitatifs travaux de Croatian Amor (un des innombrables autres projets de Loke).
En s’éloignant progressivement de la disto tout en multipliant les excès d’ego , Damien Dubrovnik reste six pieds au dessus d’un game bien trop étroit pour eux. Cousu d’amour et de violence, Great Many Arrows est donc sans surprises un des indispensables de cette année.
Hâte d’écouter. Y aura -t-il une chronique d’Island people sur Raster?