Si comme moi, la déferlante Ambient / Deep Techno de ces 3 dernières années vous a premièrement fait lâcher de belles liasses puis très rapidement lassé, il n’en reste pas moins qu’au pays de la reverb reine, certains noms ont su perdurer et esquiver les nombreux clichés du genre. De l’étalage de drones sans but aux pads pleurnichards, tout y est passé. Producteurs de Techno de tous bords s’y sont tous tôt ou tard essayés, probablement inspirés en premier lieu par les légendaires sorties de Sandwell District et Gas et plus récemment par le succès d’artistes tels qu’Acronym, Varg, Mörker, Dozzy, Neel, Polar Inertia, Ketev et j’en passe. Malheureusement pour ceux-ci, acteurs de ce qu’on pourrait qualifier de troisième génération du sous-genre, forcer le trait du pathos jusqu’à l’indigestion est une pratique récurrente. A la beauté de la suggestion, aux harmonies en contre-jour, beaucoup préfèrent les accords nostalgiques d’une Dream Pop purulente qu’ils alignent sur des kicks dans des morceaux taillés pour le Weather et ses grands espaces. Putain, je me retiens, je te jure.
Fort heureusement dans cet incessant bordel sonore, certains producteurs sont encore capables de surprendre et, à défaut de réinventer un genre de toute façon condamné, de faire preuve de goût. Claudio PRC est de ceux-ci. Depuis ses débuts en 2007, le producteur sarde et co-fondateur de TGP (The Gods Planets) balance régulièrement des sorties dont la qualité laisse rêveur. DJ et producteur de génie, ses sets vinyles tout comme sa discographie tiennent de la leçon de style permanente. Il est d’ailleurs à l’origine de quelques unes des plus belles sorties des prestigieux Prologue, Affin LTD ou encore Semantica – à ceux qui en doutent, on recommande vivement l’écoute de son LP Inner State ou du EP Planetary Phase en duo avec Terence Fixmer. C’est d’ailleurs sur ce dernier qu’est sorti fin janvier son dernier long format nommé Volumi Dinamici.
Bien que j’ai dernièrement zappé certaines sorties de PRC et plus globalement la Techno, j’ai choisi de vous parler de cet album pour 3 raisons : premièrement parce que les LPs sur Semantica sont rares et généralement bons voire brillants, deuxièmement parce que PRC en est l’auteur et troisièmement parce que, vous vous en doutez, ce disque est une sainte mandale. Fidèle à une esthétique propre, PRC joue la concision et la cohérence sur ce 8 titres ultra racé, puissant et passionnant de bout en bout. Une fois de plus, le producteur brille par le soin apporté au jeu de textures, denses et mouvantes, aux développements mélodiques millimétrés, à la précision d’un arsenal percussif sans excès ni faille. Comme à l’accoutumée avec PRC, c’est de la mesure, infaillible, que naît l’inertie, de la profondeur qu’émane la puissance. L’album bénéficie en outre d’un sound design et d’un mastering particulièrement immersifs. L’obscurité de plomb ne s’abat ici que pour rendre plus éblouissants les rais de lumière, épars et salvateurs, qui ponctuent les compositions de l’italien. Le sens du détail, la concision et la cohérence de l’album en font une pièce incontournable de sa discographie. Certains aiment parler de tunnel Techno mais il s’agirait plutôt dans ce cas d’une sphère plongée dans la nuit noire dans laquelle fusent, s’épanouissent et disparaissent des signaux sonores fulgurants, comètes et débris à l’origine d’ellipses incandescentes.
Fait plutôt rare pour un long format Techno, le tout s’écoute d’une traite sans qu’aucune fausse note ne vienne perturber l’expérience. Malgré tout, si je devais dégager les titres les plus marquants du LP, je nommerais sans hésiter Ostinato, soufflante baroque au lyrisme contenu, Velato, Dub Techno low pitchée parfaitement exécutée ou encore la brusquerie sourde de Segmento et ses quintaux de basses fréquences. Finalement, que ce soit pour délasser vos membres gourds en club ou embrasser la vacuité de votre existence dans l’intimité de vos boudoirs, ce LP d’une classe inouïe devrait combler vos attentes sans trop de peine. Ceux qui, comme moi, courent après une copie neuve d’Inner State à moins de 50 balles sauront apprécier l’intérêt de rapidement se procurer l’objet en question. Les autres auront de toute façon tort. Be smart, don’t feed the sharks.