Dj et producteur natif de Hambourg, Christoph De Babalon pratiquait la transhumance vers Berlin bien avant que ce ne soit cool. Activiste de la scène rave et hardcore durant son âge d’or, l’allemand est pourtant un artiste électronique injustement méconnu. Bien qu’il publie de nos jours plus ou moins régulièrement des raretés et des inédits sur son bandcamp, c’est un bond de vingt ans en arrière, jour pour jour, qui vous est aujourd’hui proposé.
Plutôt que de me soumettre à la dictature d’une actualité pas toujours qualitative, il m’arrivera désormais de chroniquer des oeuvres (toutes sections confondues) méconnues ou oubliées. Pour ne pas uniquement officier dans l’emphase nostalgique, il convient de replacer aussi ces oeuvres dans le contexte de leur sortie.
Christoph de Babalon rencontre un certain Alec Empire dans une rave en 1994. Le courant passe immédiatement. Alec voit en Christoph un visionnaire à la marge dépassant les poncifs de la scène. L’intitulé du disque (qui mettra trois ans à sortir), If You’re Into It, I’m Out Of It, est déjà en lui même un manifeste philosophique et demeure aujourd’hui encore comme l’oeuvre la plus atypique du catalogue DHR.
L’album sort donc en 1997, en cette pleine fièvre big beat où des gens comme Fat Boy Slim, The Prodigy ou The Chemical Brothers sont les nababs ainsi que les fossoyeurs plus ou moins opportunistes de toute une culture. Sans surprises, l’album de Babalon est parfaitement éclipsé par cette fièvre commerciale hystérique. Vingt ans plus tard, If You’re Into It, I’m Out Of It est pourtant un disque intemporel et avant-gardiste, à placer à tout jamais au panthéon des musiques électroniques.
Je ne vais pas m’émanciper de mon aigritude et de ma mauvaise langue légendaire, la drum’n bass est pour moi, dans son grand ensemble, la musique de beaufs par excellence. Responsable au moins autant que PNL de révolutions capillaires qui mériteraient trois fois l’internement au goulag. Plus sérieusement, c’est pour moi un genre quasiment mort né, et donc condamné à tourner en rond entre un empilage de amen breaks, deux tazs coupés à la mort au rat et trois punks de bars à chats.
Fort heureusement, des courants un peu plus modernes ont depuis su, dans l’ombre, sortir de l’ornière. A la fin des années 2000 et à l’orée des années 2010, Sabre ou Alix Perez ont su liquéfier l’histoire et ont eu l’intelligence de ralentir le tempo, ouvrant ainsi la voie à pléthore d’artistes célébrant des écoutes certes plus domestiques, mais autrement plus qualitatives sur le plan de l’ambiance et de l’écriture musicale au sens strict. Pourquoi ? Comment ? Parce qu’ils ont tous très certainement beaucoup écouté If You’re Into It, I’m Out Of It de Christoph de Babalon.
Rendre au jazz tout ce que la drum’n bass lui doit est une offrande nécessaire. Sur ce disque, De Babalon revient à l’essence même du pourquoi les machines sont apparues. Pour dépasser les limites techniques humaines, livrer une complexité et une luxuriance rythmique hors du commun. S’ouvrant par une pièce dronesque et immersive d’exception durant plus de quinze minutes (Opium), l’allemand savait que cet album ne s’attirerait pas les louanges du public club pur et dur. Encore moins en se livrant à diverses expérimentations et en aérant ses pièces de menaces de bouffées ambient (High Life dépasse elle aussi allégrement les dix minutes). Pourtant, tout en ralentissant sensiblement le tempo et en sévissant à contre courant de toute la production de l’époque, ce disque se révèle comme une sombre agression électronique dans les règles de l’art.
Un véritable chef d’oeuvre, aujourd’hui parfaitement introuvable dans sa version vinyle. Vingt ans jours pour jour plus tard, une ré-édition eut été plus que bienvenue. En attendant ce glorieux jour, il vous est plus que vivement recommandé de vous procurer ce monument dans une version autrement plus audiophile que celle disponible sur You Tube. Même par des moyens illégaux ? What You Call A Life…
Ton voeu est exaucé: https://boomkat.com/products/if-you-re-into-it-i-m-out-of-it-2018-remaster
j’ai cet album…j’aime la prod, ce grain sale lo-fi, la pochette dark et cheap…totalement culte ce disque! parait qu’il a joué en premiere partie de Radiohead (aucune trace vidéo sur youtube)
C’était sans doute avant Internet.
Hello,
J espère que tu nous trouveras encore d’aussi bonne vieillerie…..
Merde même encore plus fort que third eye foundation
Délicieusement noir,du très bon vin …..
Combien de temps tu as passé sur la toile pour trouvé ça?
Pas autant qu’on pourrait croire. Et je l’ai découvert il y a un bon moment déjà. Il faut dire que mes recherches sont orientées et mes sources inépuisables.