« After certain life events, the windows, already scant, within which to make music were diminished to tiny slivers. Rather than feeling frustrated by this I realised the most radical thing I could do was to accept the limitation and exploit it as an asset. » (Chris Herbert)
La porte d’entrée dans Constants est brusque, sans ménagement, propulsant l’auditeur au sein d’un torrent d’ondes électriques dont le courant l’emmène, piste par piste, derrière chaque facette de l’œuvre éblouissante de Chris Herbert.
Le compositeur anglais s’était fait connaître par son très beau premier album Mezzotint (chez Kranky en 2006) et n’a cessé depuis d’explorer la voie esquissée par ce premier essai. En restant dans cette direction et en se concentrant uniquement sur les techniques avec lesquelles il était familier, il perfectionne de nouvelles ébauches pendant près de 7 ans, alimenté par une théorie du monde de la photographie. Il signe alors chez Room40 un premier EP, Winter-Cimex 83 (disponible gratuitement ici), en prélude à Constants. Ce dernier est sorti il y a quelques mois déjà mais continue aujourd’hui encore de résonner, chaque écoute supplémentaire révélant de nouveaux détails, le rendant toujours plus passionnant.
Les travaux de Chris Herbert restent toujours imprégnés d’un liant électrique. Parfois plus diffus ou nuancé (dans Mezzotint), il est devenu dès Wintex-Cimex 83 plus profond, plus détaillé. Et loin de se complaire dans son état statique, c’est un substrat habité, peuplé de field recordings et de sonorités organiques qui, tour à tour, prennent progressivement vie et viennent se loger dans cette masse sonore. Cette palette de tonalités était déjà présente sur son premier opus mais ses contrastes sont ici sublimés.
Le fait est d’autant plus marquant sur Constants, où cet attirail d’artefacts sonores est plus véloce et surprend, déstabilise. Amorçant parfois une transition (le disque est entièrement mixé), l’album est ainsi jonché d’événements et de nouveaux venus qui refusent de laisser cette effervescence se dissiper. Qu’ils soient récoltés par captation sonore ou liés aux techniques d’enregistrement et à sa volonté de ne rien trop lisser, ils rebondissent et rayonnent entre les interstices de ces strates électriques, comme autant d’éclairs de beauté qui refuseraient de s’éteindre.
On pourrait alors mentionner le triplet d’ouverture As Blue As Your Eyes Lover / Cinders / Cité Radieuse absolument renversant, mais surtout souligner le fait que c’est une œuvre qui se prête difficilement à en disséquer ses moindres rouages. Constants s’appréhende tel un monde à part entière, indissociable, majestueux. Inutile aussi de vous cacher qu’il fait partie des plus belles découvertes de cette année.