« The interpreter, without actually erasing or rewriting the text, alters it. » S. Sontag
L’altération de l’œuvre, l’altération de la perception, l’altération du signal sonore, 3 axes communs aux sorties de Vanity Pill Tapes. Fondé en 2014 par Reece Thomas Green (aka Alocasia Garden), le jeune tape label britannique s’est spécialisé en une quinzaine de sorties dans l’exploration des versants les plus ombragés des musiques électroniques, mais pas que. Couvrant les interstices qui séparent l’Ambient du Punk, de l’Industrial ou du Noise, le modeste catalogue du label ne manque certainement pas d’intérêt. L’écurie mise sur des productions 100% DIY distribuées sur cassette – vous savez, notre support favoris – avec exigence et goût. D’ailleurs, on sait gré au label de ne pas se laisser aller, comme beaucoup de structures voisines, au laxisme et à la facilité du tout au Lo-Fi / tout à l’égout, tendance particulièrement en vogue à l’heure actuelle, et bien souvent génitrice d’expectorations analogiques dénuées d’intérêt. Trêve d’épandage, soyez rassurés, la première sortie de Chris Mac Owen sous le nom de Burning Pyre est d’un tout autre cru.
D’abord intrigué par un nom prometteur et un artwork proche des collages des sorties de Posh Isolation, Erotics of Aesthetics fut pour ma part une rencontre aussi fortuite qu’intense. Confinant l’auditeur à un espace sonore clos, sombre et exigu, loin du bruissement des feuillages insouciants ou des rires verts que charrient les ruelles de la ville en ébullition, Erotics of Aesthetics n’est pas un album à mettre entre toutes les mains. Tranchant, fiévreux, grondant d’une violence cent fois déglutie, mille fois ravalée, soyez prévenus, la lecture de cette première sortie de Burning Pyre n’est pas chose aisée.
Le parcours initiatique débute avec la sublime Mea Culpa, introduction où stridences brulantes et accords endeuillés se côtoient au fil d’un crescendo Noise brillant – procession mortuaire frappée par la grêle. Plus qu’une simple ouverture, Mea Culpa s’impose comme une synthèse de la substance même de l’album à venir. Œuvre lunatique, écartelée entre monolithes Dark Ambient soufflés de cordes, moirés de claviers dépressifs – cf. Long Night – et partitions de Noise pures, effusions de violence cathartiques comme seuls peuvent l’être les meilleurs morceaux Power Electronics – cf. Erotics of Aesthetics. A classer plutôt dans le premier tiroir, notons l’immense Hope Dutifully Resides In The Darkest of Times toute de tristesse et de saturation voilée, morceau proche de la beauté barbelée de certaines productions de grands noms du Black Metal – on pense notamment à Taake ou Burzum.
Narration intestine des grands écarts du loup bipède, parfaitement borné du début à la fin, l’album se conclut comme il a commencé, par un titre synthèse, The Evening Redness In The East, longue lacération bruitiste close par une charge mélodique fulgurante. Les amoureux de la symétrie axiale apprécieront la démarche, les autres fuiront lâchement. Qu’il en soit ainsi. N’importe ici que l’issue, l’expiation, le baptême par le Feu.