En quatre morceaux, Erik Skodvin, Andrea Belfi et Aidan Baker tissent une partition croisée où implosent les dernières résistances face à l’inconnu et à l’obscurité profonde.
Après le coffret de Kreng, Works For Abattoir Fermé, et l’album Adhere de Gabriel Saloman, Miasmah sort ce mois-ci le travail de trois artistes majeurs. Le premier, Andrea Belfi, a notamment sorti l’année dernière le remarquable album Wege chez Room40. Les deux autres, en plus d’être connus sous leur propre nom, sont les membres d’autres formations, telles que Nadja (avec Leah Buckareff) pour le prolifique Aidan Baker ou Deaf Center (avec Otto A. Totland) et Svarte Greiner pour Erik Skodvin qui est également à la tête du label Miasmah.
A défaut d’être d’une saturation abrasive que l’on aurait éventuellement pu attendre d’Aidan Baker (bien que celui-ci se défasse régulièrement de cette étiquette qui le suit depuis Nadja), Brick Mask est un album d’une délicatesse sombre et chaotique. Les percussions d’Andrea Belfi sont orchestrées avec précision, et modèlent en douceur le labyrinthe d’une descente dans les zones d’une incertitude oubliée. Ce sont elles qui donnent une épaisseur à la musique du trio, elles qui sculptent des corps indistincts furetant dans un mouvement à la fois tribal et théâtral. Ce sont elles encore qui donnent cette terrible impulsion, tantôt lente, tantôt impétueuse, d’une danse où rodent des ombres métalliques et des formes cannibales porteuses de masques trompeurs.
Aux percussions d’Andrea Belfi se nouent les fils conducteurs d’Erik Skodvin et Aidan Baker, à la guitare pour le premier, à la guitare et à la basse pour le second. Leurs nappes apportent couleur et texture, ronronnements et sifflements, résonnance. Elles se superposent, se font dangereuses ou tragiques, grondent, s’effacent, réitèrent. Elles offrent un socle au déploiement des percussions qu’elles font briller plus encore dans la noirceur du spectacle.
Les trois artistes réussissent ainsi à mêler leurs univers singuliers, pour une échappée en forme de glissement dans les profondeurs de soi. Peu de montées explosives sur cette album, mis à part peut-être sur la première piste, Brick. C’est une plongée sans lourdeurs, dont l’envoûtement s’accroît au fil des écoutes, pour finir par nous perdre totalement dans les dédales de ce que nous sommes. On y retrouve quelque chose d’instinctif et d’essentiel, qui se décline comme les couleurs primaires illustrant l’album.