« Puisée à la puanteur du fumier, bien qu’elle ait paru y échapper dans un élan de pureté angélique et lyrique, la fleur semble brusquement recourir à son ordure primitive : la plus idéale est rapidement réduite à une loque de fumier aérien. » (G. Bataille)
There Can Be No True Beauty Without Decay constitue une réinterprétation d’un précédent disque sorti en 2009, Beauty Becomes The Enemy Of The Future. En donnant une nouvelle dimension à ses compositions, Ian M Hazeldine (Antonymes) a également convié d’autres artistes (et pas des moindres) à offrir leur propre version des titres. Ce sont ainsi Ian Hawgood, Isnaj Dui, Offthesky, Field Rotation, Wil Bolton, Spheruleus et le violoncelliste James Banbury qui ont participé à la confection de l’ensemble.
Déclin, décomposition, et beauté. Le titre de l’album est évocateur, à la fois éclairé et dilué par des bribes de parole transcrites au cœur du livret qui l’accompagne. Il y aurait là des fragments d’une conversation, le vif souvenir des mots de Georges Bataille, des paysages qui changent, la question de soi, du temps, et du sonore. Des phrases inachevées, soigneusement numérotées. Un agencement particulier qui vaut aussi, d’une certaine manière, pour l’ensemble de l’album.
Car ici, les morceaux réinventés par les invités se mêlent étroitement et intimement aux titres d’Antonymes, sans qu’aucune indication ne vienne préciser le nom de l’artiste derrière chaque morceau. Pas de division en deux parties, comme l’on pourrait pourtant s’y attendre pour ce type de démonstration. Les protagonistes s’effacent, laissant la musique s’exprimer à travers la continuité et la répétition.
On y reconnaîtra tout de même certaines traces, à l’image d’Isnaj Dui sur Forever Without Hope [ii], magnifique morceau puisé dans des pulsations d’ombres et de silence allant et venant sur les rebords du dépouillement. L’ensemble de l’album (qui aurait peut-être pu gagner en concision) est lui-même un paysage de calme et de lenteur, où sillonnent les notes sombres d’un piano ou d’un orgue, quelques cordes, et les empreintes de l’électronique. Sans être d’une singularité exceptionnelle parmi le genre, cet album d’Antonymes marque une belle édition du label Hibernate, qui fête à cette occasion sa cinquantième sortie.