Concédons en préambule de cette chronique et ce afin de couper court au fiel de nos fidèles brasseurs, qu’elle intervient un peu tardivement, certes. Ce n’est pourtant pas par désintérêt pour les sorties de la mythique écurie suédoise Northern Electronics, définitivement pas. Est-il d’ailleurs nécessaire de le préciser tant les chroniques au sujet des sorties du label pullulent chez SWQW ? Je ne pense pas. En réalité, le temps de latence constaté est dû au fait que j’ai longtemps hésité à vous parler d’un autre EP, Behind The Line de l’italien Sciahri sorti sur le tout aussi respectable Opal Tapes. Mais voilà, à force d’écoutes forcenées, de foulées pluvieuses à 125bpm de moyenne, j’ai finalement choisi de vous parler de la dernière sortie du redoutable Acronym. Que celles et ceux d’entre vous qui sont intéressés par un semblant de biographie ou par une chronologie de la discographie du suédois se rendent ici puis ici. Les autres sont invités à allumer leur système de diffusion sonore haute fidélité et à se tenir tranquilles.
N’en déplaise à mes prophétiques aïeuls qui ne manquent pas une occasion d’en annoncer la fin imminente, la Techno ésotérique de Northern Electronics, si elle a été, il faut bien l’avouer, largement appropriée par une post hype parfaitement répugnante, n’en reste pas moins une des plus riches et excitantes de ces 3 dernières années. Notre lectorat connaît notre propension à nous contrefoutre de l’underground comme du mainstream ; Nous laisserons donc ces querelles de self-branding aux mains de leurs initiateurs, noctambules acharnés, imbéciles apatrides en mal de face, en quête de consistance. En conséquence de quoi, nous lui saurons gré, une fois de plus, de bien vouloir croire en notre complet mépris vis-à-vis de débats qui n’en ont jamais été mais plus encore, en notre honnêteté quand nous annonçons qu’un album, ou un maxi en l’occurrence est une raclée médiévale comme seul N.E. sait en distribuer. Qu’on le veuille ou non, n’est pas suédois qui veut, tout comme dans le domaine de la Deep Techno, n’est pas italien qui veut.
Acronym, c’est un peu l’artiste dont on aimerait se lasser, dont on aimerait dire qu’il s’est assagi ou qu’il s’est laissé aller à une rhétorique routinière, à l’instar de ces producteurs un peu trop hardis ou un peu trop bons élèves dont on finit généralement par se désintéresser du simple fait qu’on ne prend plus le temps d’écouter ce qu’ils sortent, lassés de tant d’assiduité. Mais non, ce moment n’est pas venu. Mieux encore, Ashes vient cristalliser tout ce qui nous avait jusqu’alors passionné, tout ce qu’il y a de fondamentalement fascinant dans la musique de celui qu’on hésite désormais à qualifier de Ty Segall de l’Ambient Tech. Des exhalaisons macabres de l’introduction, aux ruissèlements lumineux de la conclusion, l’édénique Aftermath, tout, résolument tout est ici le fruit d’une incontestable virtuosité Techno – ouais, on ose même frôler l’oxymore pour la peine. La puissance de la cyclicité Techno, la justesse des lentes flambées Ambient, ces mêmes éléments qui avaient fait le succès des précédents opus comme River Red Gum, Yggdrasil ou encore sur June, se retrouvent synthétisés sur ce maxi.
Difficile de ne pas céder au psychédélisme tribal de Siege, à l’étrangeté de ses claviers comme tirés de Dodeka, difficile aussi de rester immobile à l’écoute d’Exile, Ambient Techno bleepée, imposante marée de braises au crépuscule de Thermidor. Difficile finalement de ne pas se rendre à l’évidence : Ashes est la meilleure sortie d’Acronym à ce jour, un saphir érodé passé inaperçu car simple témoin d’une beauté banalisée.